lundi 5 décembre 2011

Communiqué : La jeunesse n’est qu’un mot ?



« L’UMP a adopté cet été la 12e retouche en dix ans de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs »

Mardi 29 novembre les militants UMP étaient invités à se rendre à Villeurbanne près de Lyon pour assister à la deuxième convention nationale de leur parti. Organisée autours des questions régaliennes (justice, éducation et immigration), cette convention fait suite à la présentation, la semaine précédente, du projet économique du parti majoritaire pour 2012. Les propositions dévoilées pour réformer les institutions judiciaires et carcérales s’occupant des mineurs ont provoqué une levée de bouclier au sein même du parti.


La jeunesse n’est plus ce qu’elle était. Vraiment ?


Pourquoi réformer la justice des mineurs ? Dans l’esprit du secrétaire général, Jean François Copé, il s’agit d’apporter une réponse « à ce fléau qui préoccupe notre nation, celui de la délinquance des mineurs ». Les délinquants seraient en effet « de plus en plus jeunes » et « pour un certains nombre d’entre eux de plus en plus violents ». Ce discours est connu au moins depuis Socrate. Chaque époque construit et renouvelle ainsi sa figure du mineur délinquant. Au début du siècle dernier, les français craignaient les apaches, dans les années 1960 ils avaient peur des blousons noirs et aujourd’hui nous sommes effrayés par les jeunes de banlieue. Cependant une constante demeure dans les représentations collectives : la violence des jeunes serait un phénomène nouveau et en augmentation.


Des statistiques têtues


Aujourd’hui rien ne permet de dire que la délinquance juvénile augmente. D’après Laurent Muchielli, chercheur au CNRS, les recherches scientifiques menées ces dernières années concluent à la stabilité du phénomène dans le temps. D’où nous vient cette représentation pessimiste de la jeunesse ? Peut être du discours et des chiffres distillés sur les plateaux télévisés par les instituts spécialisés et les experts en sécurité, dont le téléspectateur ne sait jamais vraiment bien qui ils sont et ce qu’ils font. Le cas de l’observatoire national de la délinquance (ONDRP) et de son président Alain Bauer est particulièrement illustratif. Né en 2003 à l’initiative du ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, dans le but de réunir des informations sur les phénomènes criminels, cet institut ne dispose pas de garanties suffisantes d’indépendance. Le président de son conseil d’orientation, Alain Bauer, est ainsi propriétaire d’une société de sécurité, AB associates. Malgré les doutes émis sur la scientificité des statistiques de l’ONDRP, les hommes politiques s’en emparent pourtant sans précaution pour justifier leurs positions.


Une posture idéologique


La réforme de l’ordonnance de 1945 défendue par Eric Ciotti, député des alpes maritimes et secrétaire national en charge de la sécurité au sein de l’UMP, n’est pas une surprise. En 10 ans le parti majoritaire a retouché 12 fois ce texte, le vidant progressivement de sa substance. Ses propositions d’abaisser la majorité pénale de 13 à 12 ans, de séparer les fonctions de protection et de sanction du juge des enfants et de recourir encore plus à l’enfermement des mineurs via les CEF[1] et les EPIDE[2] participent de cette dynamique. En l'état et s'il aboutit, ce projet de réforme renversera définitivement le paradigme sur lequel repose la justice des enfants depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Nous souhaitons rappeler ici ce principe fondateur tant menacé aujourd’hui : celui qu'on nomme aujourd'hui "délinquant juvénile" est avant tout une victime de la société dans laquelle il grandit et nécessite sa protection. Il n’est pas pleinement responsable de ses crimes et délits. Toute autre conception de l'enfance délinquante nous paraîtrait démagogique et antisociale.

GENEPI Bordeaux, 2 décembre 2011



[1] CEF : centre éducatif fermé

[2] EPIDE : établissement public d’insertion de la défense

2 commentaires:

ABAUER a dit…

Il ne m'appartient pas de prendre position sur les engagements politiques du GENEPI. Pour ce qui relève de l'ONDRP, dont les travaux essentiels sont basés sur les enquêtes de victimation, je n'ai pas eu connaissance de critiques sur la qualité des travaux de ses statisticiens, ni sur les mineurs ni sur d'autres sujets. QUand à mes activités professionnelles, il aurait suffi de vérifier pour savoir qu'elles ont cessé dans le domaine public à compter de ma nomination à l'OND en 2003...
Alain BAUER

Elise B. a dit…

à ABAUER:
Voici les critiques de certains chercheurs du CNRS: http://insecurite.blog.lemonde.fr/2011/11/08/politiques-de-securite-le-bilan-pro-gouvernemental-de-londrp/

QuanT à AB associates (c'est bien de ça dont nous parlons?), il semblerait que de nombreuses sources confirment qu'un certain Alain Bauer en reste le patron, voir plus si affinités. http://www.france-amerique.com/articles/2011/09/01/alain_bauer.html.
Et je suis malencontreusement tombée sur le site de Mr Bauer en voulant aller sur celui de AB associates...www.abassoc.net/fr/ab-associates-fr.html