vendredi 17 février 2012

Communiqué : Vers une justice à deux vitesses?


Comment les délinquants en col blanc bénéficient d'un étrange traitement de faveur

L'arrestation de Kim Schmitz, fondateur et PDG de Megaupload, le 20 janvier 2012 en Nouvelle-Zélande a subitement porté le feu des projecteurs sur la délinquance économique, la dite délinquance des cols blancs. On peut définir cette délinquance comme les actes commis par des personnes de statut social élevé dans les domaines économiques et financiers. Pourtant mis à part quelques scandales retentissants, principalement outre-atlantique, force est de constater qu'on en entend bien peu parler. L'activité économique et financière est loin d'être la cible prioritaire de la justice pénale. Au contraire on connaît aujourd'hui un certain désengagement de la justice et de la police en la matière. Preuve en est que si il y a vingt ans les services de police traitaient près de 100 000 faits annuels en rapport avec la législation économique et financière, ce chiffre est tombé à 20 000 aujourd'hui.

Une remise en cause idéologique de la pénalisation des activités économiques

Ce processus de dépénalisation de la vie économique relève d'évolutions idéologiques amorcées à la fin des années 1990. Dénonçant un supposée inflation pénale, des patrons se mettent à dénoncer le risque pénal, selon eux incohérent et imprévisible, qui menace leur activité. Ces revendications s'inscrivent dans le cadre d'un triomphe des dogmes libéraux et reposent sur une vision particulière de la régulation de la vie économique : la corporate governance. Celle ci vise à conjuguer un contrôle interne à l'entreprise et une concurrence à l'extérieur, dispensant donc de l'intervention d'un pouvoir judiciaire répressif. Des lois sont promulguées dans cet esprit au début des années 2000 et suppriment plus de la moitié des sanctions pénales du droit des sociétés. De fait aujourd'hui moins d'un 1% des sanctions judiciaires relèvent de la législation économique et financière. Malgré cela, Nicolas Sarkozy déclare peu après son élection que "La pénalisation de notre droit des affaires est une grave erreur, je veux y mettre un terme".

Une justice sous influence?

Comment une telle évolution est elle devenue possible ? C'est qu'il faut ici aborder l'accroissement du rôle du procureur dans le processus judiciaire. En effet si les tribunaux disposent d'outils de lutte contre la délinquance économique, comme des pôles spécialisés sur ces questions, ces instruments sont de moins en moins sollicités. Désormais l’enquête préliminaire, contrôlée par un procureur soumis à son Ministre est désormais la voie privilégiée. Les procureurs résolvent souvent les affaires en négociation avec les accusés, contournant ainsi le jugement. Imagine-t-on aujourd'hui autant de compréhension pour d'autres types de délinquance que la délinquance des cols blancs? Entend-on nos responsables politiques promettre de passer au Karcher les grandes entreprises? Dénonce-t-on les raids d'acteurs économiques peu scrupuleux sur notre économie nationale? Non. Nous avons droit dans ce domaine à un type de discours qui tranche singulièrement avec celui destiné à d'autres populations, laquelle n'échappent pas à une véritable frénésie législative. Il est pourtant difficile de justifier ce deux poids deux mesures par le fait que la délinquance des cols blancs serait moins néfaste à notre société. D'ailleurs quelle légitimité conserverait l'institution judiciaire si elle était perçue par les citoyens uniquement comme l'instrument de répression de certaines catégories de notre population?

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