vendredi 10 février 2012

"Du casse à la taule"

Dans « Journal de taule », un ouvrage de 247 pages, Christophe de La Condamine, 48 ans, aujourd'hui membre de l'Observatoire International des Prisons, livre les notes qu'il a prises durant ses années de prison. Un témoignage du "Monde du Dedans" brut, relaté sur le vif, non dénué d'humour.

Article Sud Ouest du 11/01/2012


"Avec deux autres complices, il avait réalisé ce qui reste aujourd'hui encore comme le plus important braquage, en termes de butin, en Gironde. Dans la nuit du 11 au 12 novembre 2002, lui et ses complices avaient volé la recette du péage de Virsac, en haute Gironde, soit un montant de 180 000 euros.

Deux ans plus tard, il était interpellé à la sortie du commissariat de Cenon, où il venait de déposer plainte pour vol avec violence. Ses complices aussi ont été épinglés. Se sont alors succédé garde à vue, déférement, mandat de dépôt, auditions devant un juge d'instruction et procès aux assises, avec à la clé une condamnation à six ans de réclusion criminelle.


Pour se protéger

Dès le début, Christophe de La Condamine a tenu un journal. « Depuis mon enfance, j'ai toujours baigné dans la lecture, même si je n'ai pas mon bac. Puis l'envie d'écrire est venue. Une fois en prison, l'écriture a été une manière de me protéger. J'ai choisi d'écrire sur le mode journalistique. Pour m'obliger à prendre du recul. "Journal de taule" est une succession de flashs. Ce n'est pas de l'écriture romanesque. »

Christophe de La Condamine souhaite faire toucher au plus près l'univers de la prison. Un espace auquel ce fils d'ouvrier typographe n'était pas forcément destiné. « Mon père est venu travailler à Bordeaux alors que je n'avais que 2 ans. On habitait Lormont. Mais, à cette époque, dans les cités, on pouvait laisser sa mobylette sans antivol. »

Après une adolescence difficile - « j'étais le pitre de la classe » -, Christophe a lâché le lycée en première. À 18 ans, après les trois jours de sélection pour le service militaire, il s'engage dans l'armée. Devenu sous-officier dans l'artillerie, il travaillera autour des missiles nucléaires Pluton. Au bout de quatre ans, il quitte l'armée par amour et se marie, à Paris. Il devient commercial, avec un certain succès, notamment dans le domaine des systèmes d'alarme. « J'y ai acquis des connaissances qui m'ont servi pour Virsac », sourit-il aujourd'hui.

« Mon divorce, en 1989, a marqué un tournant. Je suis revenu à Bordeaux. Je suis beaucoup sorti. J'ai commencé les petits larcins, les conneries. Jusqu'à ce qu'on me propose l'affaire du péage. Il était question de 3 millions d'euros. »


« Traumatisme »

Grâce au complice qu'ils ont dans la place, les trois malfaiteurs en herbe obtiennent tous les renseignements nécessaires. « On attendait un gros week-end pour que la recette soit forte. » Celui du 11 novembre 2002 a été choisi. Mais il a fait très mauvais temps. « On n'a pas eu le butin espéré. Mais ce qui me pèse le plus aujourd'hui, c'est le traumatisme qu'on a causé à l'employée d'ASF qui se trouvait là. J'ai sous-estimé la violence psychologique que l'on a imposée. »

Aujourd'hui, Christophe de La Condamine a retrouvé la liberté. Il prépare un diplôme d'accès aux études universitaires. « Je veux poursuivre des études pour ensuite travailler dans la réinsertion. » Il s'implique aussi dans l'Observatoire international des prisons et dans d'autres associations de soutien aux prisonniers.

Avec son « Journal de taule », à travers ce récit quotidien, il espère contribuer à mieux faire comprendre la réalité carcérale et sa dimension parfois inhumaine."


« Journal de taule », éditions L'Harmattan, 247 pages, 26 euros

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