lundi 6 février 2012

Communiqué : L'incarcération est une industrie!





« Business carcéral : le privé fait son trou »(1)


En 2005, la construction de la maison d’arrêt de Sequedin à côté de Lille, était confiée au groupe Eiffage pour remplacer la prison de Loos qui atteignait un taux d’occupation de 216%. Six ans après, le taux d‘occupation de la nouvelle prison, gérée par Sodexo Justices Services, atteint déjà 144%. Révoltant ? Pas pour tout le monde, car le contrat oblige l’État à indemniser l’entreprise pour tout détenu supplémentaire (2). Pour le mois de novembre 2011, c’est ainsi plus de 630 000 euros qui ont été reversés à Sodexo à cause de la surpopulation de Sequedin. Ce juteux business carcéral est rendu possible par les partenariats public-privé.

Le partenariat public-privé (PPP) c’est quoi ?

C'est la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 qui autorise ce mode contractuel. Il permet à l'État de confier au secteur privé, la construction et la gestion des établissements pénitentiaires. Les PPP sont des marchés qui engagent l’État et le prestataire privé à longs termes, souvent près de 30 ans. Durant toute cette période l’État doit verser un loyer à la compagnie qui exploite l’établissement pénitentiaire. C’est seulement à la fin du contrat qu’il devient propriétaire de l’infrastructure. Dans ce type de contrat, ce n’est plus seulement la construction mais aussi la conception, le financement et la maintenance de l’établissement pénitentiaire qui sont assurés par la compagnie privée. Les services de formation professionnelle, le travail et même l’accueil aux familles sont de plus en plus souvent gérés par des prestataires privés.

Des établissements démesurés pour plus de rentabilité

L’État justifie le recours aux PPP sur le critère d’un « bilan favorable des coûts et avantages ». Cette logique qui privilégie l’économique sur l’humanisation des prisons a ses limites : si les compagnies privées s’en sortent, c’est grâce à la taille démesurée des nouveaux établissements qui leurs permettent de faire des économies d’échelle. D’ailleurs rien n'indique que le privé soit moins cher que le public : un rapport de la Cour des Comptes (3) calculait qu’en 2008 une place de détenu coûtait 145 500 euros en gestion privée, contre 108 300 euros en maîtrise publique. Ce rapport souligne également que les constructions en maîtrise publique sont moins coûteuses que celles en PPP et qu’ « à périmètre comparable, la gestion publique peut être moins onéreuse que la gestion privée ». Surtout, la Cour des Comptes attire l’attention sur « le fort risque budgétaire, conséquence de la forte montée prévisionnelle des loyers liés aux PPP dans les décennies à venir ». Ainsi les loyers cumulés versés par l’État devraient passer de 95,4 millions d'euros en 2010 à 567,3 millions d'euros en 2017, pour le plus grand bonheur des majors du BTP !

(1) Titre d’un article paru dans les Inrockuptibles le 25 janvier 2011.
(2) Le calcul se fait en « journée de détention ».
(3) Rapport de la cour des comptes d'octobre 2011 sur l’utilisation des partenariats publics-privés dans la construction et la gestion des prisons. http://bit.ly/ycqyP1

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